9 févr. 2014


Le feu de cheminée dégage une chaleur, induit une torpeur, langueur bienfaisante d'un après-midi hivernal. Au dehors déjà les prémices du printemps, bourgeonnement des arbres, violettes dans les herbes, le temps est vite changeant, accompagnant le mouvement incessant des pensées et des sentiments.
Ma plume ratisse un tas de détritus dévitalisés qui recouvre le sol fertile de mes inspirations se tenant ainsi ensevelies sous le dérisoire, l'inconsistant silence, on pense, et les pensées s'écoulent dans le vide de la parole et rejoignent un abîme profons en-deça de tout dit. Calme lapidaire. Pierre muette. Densité. Paix extrême. Autour de la Pierre, envie soudaine de danser en silence, rejointe par le vent qui accourt en ondes fraîches et odorantes enlaçant dans ses tourbillons le corps qui s'abandonne à la danse intérieure libérée.


Jérôme Bosch - détail du Jardin des délices  

5 janv. 2014


Habiter c'est choisir le cadre où dérouler sa vie. On revêt sa vie du lieu, de la maison, des paysages où elle va pouvoir s'exprimer.
Actuellement, j'aurais un goût plus prononcé pour le désert, sa vastitude, son ouverture,sa beauté sereine même dans la tourmente. Vêtir sa vie d'un paysage infini doré par le soleil.
N'être qu'un grain de sable serré, blotti contre les grains de sable innombrables, se dorer au soleil, ou se laisser bercer dans un mouvement lent ou violent au gré des vents qui s'aventurent.
Une oasis, jardin du désert, paradis perdu retrouvé. Les grains de sable tapissent le sol entre les palmiers, s'agglutinent autour du puits, assoiffés.
Désert des sommets difficilement accessibles, parsemés d'ermitages. Habiter l'un d'entre eux dans le silence avec la vue sur un panorama fascinant, gravir les sentiers escarpés, se baigner au creux des sources, les percées du silence par le clapotis de l'eau, le cri d'un oiseau.
Habiter un espace malléable qui permette l'écoulement sensible des instants comme celui des grains de sable dans le sablier de la main.
Quel est l'habit de ta vie qui te plaise le plus. Dans une garde-robe variée, il y a toujours des préférences, très prégnantes parfois, à la source d'habitudes.


Aletha Kuschan drawing after Bonnard 2011  >source

24 nov. 2013


Rien perdu dans le Tout.
Le Tout en puissance dans le Rien. C'est lui le souverain, imperceptible, vide vibrant, opulent de mille rayons d'un inaccompli fervent en recherche d'une voie d'accomplissement.
Que va surgir de cet espace infime ? qui n'existe pas encore, peut-être trop attaché encore à sa densité.
La bûche repose sur une mer de braises.
Près d'elle le fantôme d'une mouette qui vient se réchauffer frileusement, l'oeil aux aguets, crainte que les flammes lécheuses ne l'anéantissent.
Michel est plongé sur le vide de sa feuille, rêvant de se noyer dans son inspiration.
Geneviève se lève pour se diriger vers la cuisine et René, accroupi près de la table, laisse courir allègrement sa plume sur le papier.
Un silence paisible règne, incarné par la chatte nonchalante sur le canapé.


Jackson Pollock Stenographic figure 1942

23 nov. 2013


Le crépuscule, l'heure où les ombres s'amenuisent pour prendre corps dans l'imaginaire des vivants.
A la fenêtre ouverte, les branches des arbres s'avancent en se balançant et murmurant faiblement sous la caresse vibrante de la brise du soir. La lune qu'on devine diffuse sa pâle lumière à travers les branches et suggère mystérieusement d'invisibles présences. Le moindre bruit, tel un gardien du seuil ou un passeur ouvre la porte d'un monde étrange enseveli depuis longtemps dans les mémoires ou surgissant à rebours d'un futur plus ou moins lointain. Et l'estompe des formes transforme les choses connues en des être chimériques qui peuplent tout un univers où ils nous invitent chaleureusement si on les accueille cordialement.
C'est ainsi que l'on peut parcourir dans les ramures d'un arbre et les pièces désaffectées de la vieille maison tout un monde enchanté disparu depuis longtemps mais acharné à vivre et revivre jusqu'à coloniser le présent. Et nous, heureux rêveurs, sommes le lien entre cette vie passée et le futur qui s'engendrera de cette rencontre.


Jackson Pollock The key 1956

29 sept. 2013


Atmosphère de couvée. Douce torpeur. Ecoulement lent du temps. Ruissellement de la pluie en rideau de lumière tombant du ciel sur la terre.
Luisance des feuilles lavées, polissure brillante des pierres, cascades bruyantes, brisure des rocs, moisissure des feuilles mortes, odeur d'humus, flou des nuages vaporeux, les sensations s'évanouissent dans un infini voyageur. Engourdissement frissons fémissement.


Félix Vallotton Soir sur la Loire 1923

28 sept. 2013


Après un été passé, je retrouve la maison blottie au coeur de son jardin dans un silence et un calme profonds, une torpeur nourricière.
Elle me semble toute autre, en germination d'un renouveau.
Après l'allée parcourue avec hésitation comme lorsqu'on s'aventure en pays inconnu, je la reconnais cependant mais elle est changée. Un calme l'habite, le silence y règne. Les feuilles des arbres touffus sont immobiles et aucun cri d'oiseau ne s'y exprime. Seules quelques feuilles roussies palpitent sous la caresse d'une brise imperceptible et le gazon du jardin, encore très vigoureux, véritable coupe de vert, recueille les ors ultimes de la belle saison.


Félix Vallotton Crocus d'Automne 1900

29 juin 2013


Au coeur d'une rose
un scarabée repose
doré comme un soleil
venant d'un noir passé
offert aux métamorphoses
instant après instan
enflés par le temps
un collier d'ornements
plus ou moins polissons




Dorothea Tanning Heartless 1980